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que, et qu’on n’aime point ; mon cœur est tout à vous, et vous vous fussiez vue à jamais la maîtresse absolue de mes actions comme de mon gouvernement.

— Oui, mais la princesse votre mère eût eu le droit de me mépriser comme une vile intrigante.

— Eh bien, j’eusse exilé la princesse avec une pension.

Il y eut encore trois quarts d’heure de répliques incisives. Le prince, qui avait l’âme délicate, ne pouvait se résoudre ni à user de son droit, ni à laisser partir la duchesse. On lui avait dit qu’après le premier moment obtenu, n’importe comment, les femmes reviennent.

Chassé par la duchesse indignée, il osa reparaître tout tremblant et fort malheureux à dix heures moins trois minutes. À dix heures et demie, la duchesse montait en voiture et partait pour Bologne. Elle écrivit au comte dès qu’elle fut hors des États du prince :

« Le sacrifice est fait. Ne me demandez pas d’être gaie pendant un mois. Je ne verrai plus Fabrice ; je vous attends à Bologne, et quand vous voudrez je serai la comtesse Mosca. Je ne vous demande qu’une chose, ne me forcez jamais à reparaître dans le pays que je quitte, et songez toujours qu’au lieu de 150,000 livres de rente, vous allez en avoir 50 ou 40 tout au plus. Tous les sots vous regardaient bouche béante, et vous ne serez plus considéré qu’autant que