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le grand seigneur qui lui disait des grossièretés et le faisait pleurer une ou deux fois par an, sa manie était de chercher à lui rendre de petits services : et, s’il n’eût été paralysé par les habitudes d’une extrême pauvreté, il eût pu réussir quelquefois, car il n’était pas sans une certaine dose de finesse et une beaucoup plus grande d’effronterie.

Le Gonzo, tel que nous le connaissons, méprisait assez la marquise Crescenzi, car de sa vie elle ne lui avait adressé une parole peu polie ; mais enfin elle était la femme de ce fameux marquis Crescenzi, chevalier d’honneur de la princesse, et qui, une fois ou deux par mois, disait à Gonzo : — Tais-toi, Gonzo, tu n’es qu’une bête.

Le Gonzo remarqua que tout ce qu’on disait de la petite Anetta Marini faisait sortir la marquise, pour un instant, de l’état de rêverie et d’incurie où elle restait habituellement plongée jusqu’au moment où onze heures sonnaient, alors elle faisait le thé, et en offrait à chaque homme présent, en l’appelant par son nom. Après quoi, au moment de rentrer chez elle, elle semblait trouver un moment de gaieté : c’était l’instant qu’on choisissait pour lui réciter les sonnets satiriques.

On en fait d’excellents en Italie : c’est le seul genre de littérature qui ait encore un peu de vie ; à la vérité il n’est pas soumis à la censure, et les courtisans de la casa Crescenzi annonçaient toujours leur sonnet par ces mots : Madame la mar-