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voyait nulle part d’expression singulière, c’était toujours de la fatuité plus ou moins contente. Mais il y a du miracle ici, se disait la duchesse, piquée de ne pas deviner. Où est le comte Mosca, cet être si fin ? Non, je ne me trompe point, Clélia me regarde avec attention et comme si j’étais pour elle l’objet d’un intérêt tout nouveau. Est-ce l’effet de quelque ordre donné par son père, ce vil courtisan ? Je croyais cette âme noble et jeune incapable de se ravaler à des intérêts d’argent. Le général Fabio Conti aurait-il quelque demande décisive à faire au comte ?

Vers les dix heures, un ami de la duchesse s’approcha et lui dit deux mots à voix basse ; elle pâlit excessivement ; Clélia lui prit la main et osa la lui serrer.

— Je vous remercie et je vous comprends maintenant… vous avez une belle âme ! dit la duchesse, faisant effort sur elle-même ; elle eut à peine la force de prononcer ce peu de mots. Elle adressa beaucoup de sourires à la maîtresse de la maison, qui se leva pour l’accompagner jusqu’à la porte du dernier salon : ces honneurs n’étaient dus qu’à des princesses du sang et faisaient pour la duchesse un cruel contre-sens avec sa position présente. Aussi elle sourit beaucoup à la comtesse Zurla, mais malgré des efforts inouïs ne put jamais lui adresser un seul mot.

Les yeux de Clélia se remplirent de larmes en