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moitié ; elle se prolongea encore deux heures. Le Rassi sortit de chez le comte fou de bonheur ; le comte resta avec de grandes espérances de sauver Fabrice, et plus résolu que jamais à donner sa démission. Il trouvait que son crédit avait besoin d’être renouvelé par la présence au pouvoir de gens tels que Rassi et le général Conti ; il jouissait avec délices d’une possibilité qu’il venait d’entrevoir de se venger du prince : Il peut faire partir la duchesse, s’écriait-il, mais parbleu il renoncera à l’espoir d’être roi constitutionnel de la Lombardie. (Cette chimère était ridicule : le prince avait beaucoup d’esprit, mais, à force d’y rêver, il en était devenu amoureux fou.)

Le comte ne se sentait pas de joie en courant chez la duchesse lui rendre compte de sa conversation avec le fiscal. Il trouva la porte fermée pour lui ; le portier n’osait presque pas lui avouer cet ordre reçu de la bouche même de sa maîtresse. Le comte regagna tristement le palais du ministère, le malheur qu’il venait d’essuyer éclipsait en entier la joie que lui avait donnée sa conversation avec le confident du prince. N’ayant plus le cœur de s’occuper de rien, le comte errait tristement dans sa galerie de tableaux, quand, un quart d’heure après, il reçut un billet ainsi conçu :


« Puisqu’il est vrai, cher et bon ami, que nous ne sommes plus qu’amis, il faut ne venir me