Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/347

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était devenu profondément jaloux de Sansfin. Il faut entendre ce mot dans le sens le plus honnête et tel qu’il peut convenir à la personne la plus vertueuse…

Sortie et imprudence de Sansfin devant les amis de la duchesse[1].

Civita-Vecchia, 9 mars 1841.


C


Vers les dernières années du règne de Charles X, c’est-à-dire en 1828 ou 1829, le docteur Sansfin était un pauvre diable de médecin normand, lequel ne possédait pour tout bien qu’un méchant cheval pour faire son service, deux chiens, et un fusil, car il prétendait être grand chasseur. Pour comble de misère, il était bossu et très honteux de sa bosse, car, outre que le ciel lui avait donné de la vanité pour dix Champenois, il se croyait appelé à être homme à bonnes fortunes. Sansfin exerçait toutes ses prétentions dans un bourg de Normandie assez voisin d’Avranches, nous l’appellerons Carville afin d’en pouvoir médire en toute tranquillité, et sans nous exposer aux réclamations pathétiques de quelque bourgeois qui viendrait nous parler de l’honneur de son père, le tout dans l’espérance de voir son nom imprimé dans quelque journal. Ce village de Carville était couronné par un beau château à demi gothique bâti par les Anglais, on avait de là la vue de la mer située à une lieue, et, du côté de terre, une suite de collines couvertes d’arbres. Dans ce château passait

  1. Cet épisode ne figure pas dans le roman.