Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/90

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préservât sa nièce de penser à Mandrin et à Cartouche.

Lamiel était fort éveillée, pleine d’esprit et d’imagination ; elle fut profondément frappée de cette sorte de cérémonie expiatoire.

— Mais pourquoi mon oncle ne veut-il pas que je les admire ? se disait-elle dans son lit, ne pouvant dormir.

Puis, tout à coup, apparut cette idée bien criminelle :

— Mais est-ce que mon oncle aurait donné dix écus comme M. Cartouche à cette pauvre veuve Renoart des environs de Valence à qui les gabelous venaient de saisir sa vache noire, et qui n’avait plus que treize sous pour vivre, elle et ses sept enfants ?

Pendant un quart d’heure, Lamiel pleura de pitié, puis elle se dit :

— Est-ce que, une fois sur l’échafaud, mon oncle aurait su supporter les coups de la masse de fer du bourreau qui brisait ses bras, sans sourciller le moins du monde comme M. Mandrin ? Mon oncle gémit à n’en plus finir quand son pied goutteux rencontre un caillou.

Cette nuit fit révolution dans l’esprit de la petite