Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/98

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Mais Mme Hautemare n’admettait pas l’idée que le soir, à neuf ou dix heures, Lamiel, grande fille de quinze ans, fort délurée, pût revenir du château à la maisonnette du maître d’école.

Ici eut lieu une négociation fort compliquée, qui dura plus de trois semaines. Ce délai fut suffisant pour porter à l’état de passion, chez la duchesse, l’idée, d’abord assez vague, d’avoir Lamiel au château pour lire la Quotidienne.

Après des pourparlers infinis (qui pourraient avoir le mérite de peindre le génie normand dont nous voyons de si beaux exemples à Paris, mais au risque de paraître long au lecteur bénévole), il fut convenu que Lamiel coucherait dans la chambre de Mlle Anselme, et cette chambre avait l’honneur de toucher à celle de la duchesse. Cette dernière circonstance, qui rassurait pleinement le scrupule et surtout la vanité de Mme Hautemare, ne laissa pas de la choquer extrêmement dans un autre sens.

— Quoi donc ! disait-elle à son mari, lorsque tout semblait conclu, les méchantes langues de Carville pourront dire que notre nièce est entrée en service ? Cela ferait renaître les espérances de ton neveu le jacobin, qui a dit de nous tant d’horreurs.