Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/114

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l’on transportât Lamiel chez ses parents, et vous avez exposé sa vie. Ce n’est pas à moi à vous dire le jugement que la religion porte d’une telle action ; si M. le curé Du Saillard osait remplir ses devoirs auprès d’une femme de votre rang, sa sévérité serait peut-être encore plus offensante que la mienne. Mais lui se moque de la perte de l’âme de ses malades. La mort de l’âme ne se voit pas comme celle du corps. Son métier est plus commode que le mien. Quant aux remèdes de votre sot de Paris et à ceux du docteur de Rouen, ils ont mis la petite aux portes du tombeau. Démentez-moi si j’ai tort, et, moi, j’ai tant d’humanité et tant d’amour pour mon état que si une de ces vieilles femmes imbéciles dont vous avez rempli votre château eût voulu le permettre, j’aurais pénétré en secret auprès de l’intéressante malade et j’aurais substitué aux poisons que lui administrait ce charlatan de Paris les remèdes véritables ; mais je n’ai pas pu. Remarquez, madame, que je courais les risques d’un procès criminel pour sauver une petite fille qui vous amuse. C’est ainsi, madame la duchesse, que la sottise, même dans le cas le plus indifférent en apparence, peut amener la mort. Pendant huit jours je me suis arrangé pour avoir matin et soir des nouvelles de la petite ; elle était mourante