Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/120

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Lamiel allant très vite, et pouvant donner à Mme de Miossens l’idée de retourner au château, Sansfin eut recours à des drogues qui augmentèrent les apparences de l’indisposition de Lamiel.

Dans cet état de choses, Sansfin allait à la chasse, dans la forêt d’Imberville ; là, un jour, au lieu de chasser, il rêva profondément.

« Eh bien ! soit, se dit-il, en s’asseyant sur les racines d’un hêtre qui sortaient de terre, me voilà l’époux de cette duchesse, je manipule à plaisir une fortune de plus de deux cent mille livres de rente ; eh bien ? je n’ai pas changé ma position, je n’ai fait que la dorer, je suis toujours un être subalterne, faisant la cour à des gens plus puissants que moi, et ayant toujours à combattre le mépris, et qui plus est, un mépris que je sens mérité par moi. Suivons le second projet : transplanté en Amérique, je m’appelle, si je veux, M. de Surgeaire, j’ai deux cent mille francs dans mon portefeuille, qu’est-ce que tout ça ? C’est un embellissement de ma position ; j’ai le fardeau de ma friponnerie à ajouter au fardeau de ma bosse. Cette bosse me rend reconnaissable partout, et, vu l’infâme liberté de la presse qui règne en Amérique, qu’aurais-je à faire si, un beau matin, je lis toute mon histoire dans les