Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/141

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il faut dire qu’elle eût éprouvé le même ravissement pour toute démarche singulière faite par Lamiel. Depuis qu’elle s’occupait de quelque chose, elle n’était pas occupée continuellement à gémir sur les progrès du jacobinisme, la duchesse avait recouvré une santé brillante et, ce qui était une bien haute conséquence à ses yeux, les premières rides qui avaient envahi son front disparaissaient, et son teint perdait tous les jours de cette nuance jaune qui accompagne les gémissements continus. Le soir, en entrant dans le salon, le docteur fut consterné ; il entendit rire dès le second salon qui précédait celui où se tenait la duchesse ; c’était Lamiel qui prononçait l’anglais qu’on lui enseignait depuis un quart d’heure. La duchesse, qui avait passé vingt années de sa jeunesse en Angleterre pendant l’émigration, se figurait parler anglais et avait attaqué l’abbé Clément, qui, né à Boulogne-sur-Mer, parlait l’anglais comme le français. L’idée était venue d’apprendre l’anglais à Lamiel, afin que lorsqu’elle reprendrait ses fonctions de lectrice, elle pût lire à la duchesse les romans de Walter Scott. Le docteur vit qu’il était perdu et, comme il avait pour principe qu’un bossu triste qui laisse voir sa tristesse est un homme à jamais perdu dans le salon où il a commis