Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune prêtre épouvanté, et une extrême rougeur succédant à la pâleur mortelle qui depuis quelques instants s’était emparé de sa figure, il saisit la main de Lamiel avec vivacité, puis repoussa loin de lui la jeune fille avec un geste féroce qui parut bien singulier à celle-ci. L’abbé Clément, reprenant le ton dont il prêchait au prône, ajouta en parlant très haut :

— Je ne saurais vous séduire, car je ne puis vous épouser, mais toute fille est déshonorée et probablement damnée qui se laisse parler d’amour ou d’amitié, peu importe le mot, pendant plus de quarante jours et qui ne demande pas à l’homme qui prétend l’aimer s’il a le projet de consacrer ses sentiments par le sacrement du mariage.

— Mais si l’homme qui éprouve de l’amitié pour la jeune fille est déjà marié ?

— Alors, c’est l’affreux péché d’adultère qui fait la gloire suprême des jeunes gens et qui, en France marque les rangs entre eux. Mais tandis que le jeune homme est glorifié, la malheureuse adultère est obligée de vivre seule à la campagne et le plus souvent dans la misère ; lorsqu’elle entre dans un salon, toutes les femmes s’éloignent d’elle avec affectation, et même celles qui sont aussi coupables qu’elle. Sa vie est abominable dans ce monde, et son cœur