Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/160

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aimait par-dessus tout, c’était une conversation intéressante. Une histoire de guerre, où les héros bravaient de grands dangers et accomplissaient des choses difficiles, la faisait rêver pendant trois jours, tandis qu’elle ne donnait qu’une attention très passagère à un conte d’amour. Ce qui déconsidérait l’amour à ses yeux, c’est qu’elle voyait les femmes les plus sottes du village s’y livrer à l’envi. Quand la duchesse lui fit lire les romans hypocrites de Mme de Genlis, ils ne parlèrent point à son cœur, elle trouvait ridicules et sottes les choses de bon goût pour lesquelles Mme de Miossens faisait interrompre la lecture. Lamiel n’était attentive qu’aux obstacles que les héros rencontraient dans leurs amours. Allaient-ils rêver aux charmes de leurs belles au fond des forêts éclairées par le pâle rayon de la lune, elle pensait aux dangers qu’ils couraient d’être surpris par des voleurs armés de poignards, dont elle lisait les exploits détaillés, tous les jours, dans la Quotidienne. Et encore, à vrai dire, c’était moins le danger qui l’occupait que le désagrément du moment de la surprise, quand, tout à coup, de derrière une haie, deux hommes mal vêtus et grossiers s’élançaient sur le héros.

Tout ce que nous venons de faire remarquer chez Lamiel serait parfaitement