Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/173

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— Madame la duchesse de Miossens, reprit le chantre d’un air fort peu respectueux, je vous demande excuse et je vous prie de me remettre à l’instant ma nièce Lamiel. Mme Hautemare ne veut pas qu’elle voie M. votre fils.

— Qu’est-ce que vous dites de mon fils, s’écria la duchesse éperdue ?

— Je dis qu’il arrivera peut-être ici demain matin et que nous ne voulons pas qu’il voie notre nièce.

« Grand Dieu ! pensa la duchesse, la conspiration de Paris a perverti jusqu’à ce village ; il ne faut pas que je me brouille avec cet insolent. Il a du crédit sur la canaille ; ce que j’ai de mieux à faire, c’est d’aller passer le reste de la nuit dans ma tour. Rouen s’en va à feu et à sang comme Paris, je ne pourrai pas me sauver à Rouen, c’est au Havre qu’il faut chercher un asile. Il y a là beaucoup de marchands qui ont de grands magasins remplis de leurs marchandises, et quoique fort jacobins au fond, leur intérêt fera que, pendant quelques heures, ils s’opposeront au pillage. Ma cousine de La Rochefoucault fut assassinée au commencement de la révolution parce que le peuple reconnaissait déjà qu’on allait chercher les chevaux de poste. Il faut séduire ce bonhomme Hautemare. Ces gens-là sont à