Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/199

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— Car enfin, tu n’es pas notre nièce véritable, ajoutait-elle ; mon mari et moi, nous t’avons choisie à l’hôpital.

Le cœur de Lamiel était déchiré.

— Eh bien ! je vous donne quatre des plus belles robes, s’écria-t-elle avec humeur.

— À choisir ? répliqua la tante.

— Eh ! pardi, sans doute, s’écria Lamiel avec un air de désespoir et d’impatience qui fut remarqué.

Elle était consternée du langage bas qu’elle avait désappris au château. Tout en convenant avec elle-même du peu d’esprit de l’oncle et de la tante, elle avait rêvé une famille à aimer. Dans son besoin de sentiment tendre, elle avait fait un mérite à sa tante du manque d’esprit ; elle se sentit toute bouleversée, puis, tout à coup, elle fondit en larmes. Alors son oncle essaya de la consoler de l’énorme sacrifice de quatre robes qu’elle venait de faire. Il lui détaillait tous les droits que sa tante avait à sa reconnaissance. Lamiel, qui voulait se réserver au moins la faculté d’aimer son oncle, prit la fuite par un mouvement instinctif, et alla se promener dans le cimetière : « Si j’avais ici le docteur, se dit-elle, il rirait de ma douleur et des folles espérances qui en sont la cause, il ne me consolerait pas, mais il me dirait des choses vraies qui m’empê-