Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/202

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lui dire que M. le curé ne pouvait pas la recevoir, et cette grosse servante ajouta de l’air le plus moqueur :

— Allez, allez, ma petite, allez prier dans l’église, et sachez qu’on ne parle pas ainsi à M. le curé.

La sensibilité de Lamiel se révolta ; elle revint chez son oncle, fondant en larmes. Le lendemain, son parti était pris de n’être plus sensible au moindre accueil ; elle frémissait auparavant à la seule idée d’aller voir Mme Anselme, dont elle s’attendait d’être reçue avec la moquerie la plus méchante. Maintenant qu’elle avait été mal reçue par l’abbé Clément qu’elle croyait son ami, que lui importait tout le reste !… Quoique née en Normandie, Lamiel n’était guère habile dans l’art de défendre à sa figure d’exprimer les sentiments qui l’agitaient. À vrai dire, elle n’avait point eu le temps d’acquérir de l’expérience ; c’était un cœur et un esprit romanesques qui se figuraient les chances de bonheur qu’elle allait trouver dans la vie ; c’était là le revers de la médaille. Les conversations de la duchesse et de l’abbé Clément, la rude philosophie du docteur Sansfin avaient cultivé d’une façon brillante les germes d’esprit qu’elle avait reçus de la nature, mais pendant qu’elle employait ainsi de longues soirées, elle