Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/208

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— Allez, allez, ne la grondez pas cette jeunesse. En fait d’huile il faut compter aussi ce qui reste attaché à la cruche. Et elle parla un gros quart d’heure au maître d’école qui revint tout pensif à la maison. Ceci part-il de ma femme, se disait-il, ou bien cela vient-il de la petite. La marchande lui avait dit que Lamiel avait payé en faisant changer un écu de cinq francs. Autre sottise, se disait-il, nous avons tant de gros sous à passer.

Pendant toute la soirée Hautemare pesa toutes ses paroles ; d’abord pour ne pas donner de soupçons à sa femme ou à sa nièce, et ensuite pour tâcher de deviner ; il ne devina rien. Le lendemain, il retourna chez la marchande, mais en passant devant sa boutique il fit entendre qu’il revenait de beaucoup plus loin ; il n’apprit rien de nouveau, mais ayant eu l’esprit de faire naître un débat avec sa femme sur la manière dont elle avait dépensé un rouleau contenant cinquante sous, il eut l’assurance que depuis plusieurs jours elle n’avait acheté que du poivre et des herbes dont il vérifia l’existence.

— C’est clair, se dit-il, c’est ma nièce qui a acheté de l’huile, et quoique la soirée fut humide et assez froide il alla se coucher fort de bonne heure et lorsqu’il entendit que sa femme dormait, il but un