Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/211

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nade du soir, un jeune homme qui revenait d’une noce au village voisin, où l’on avait bu beaucoup de cidre, se prévalant d’une connaissance légère, l’aborda et fit le geste de la serrer dans ses bras. Lamiel se laissa embrasser fort paisiblement par le jeune homme, qui déjà concevait de grandes espérances, quand Lamiel le repoussa avec force ; et, comme il revenait, elle le menaça du poing et se mit à courir. L’ivrogne ne put la suivre.

— Quoi n’est-ce que ça ? se dit-elle. Il a la peau douce, il n’a pas la barbe dure comme mon oncle, dont les baisers m’écorchent. Mais le lendemain sa curiosité reprit le raisonnement sur le peu de plaisir qu’il y a à être embrassée par un jeune homme. Il faut qu’il y ait plus que je n’ai senti ; autrement les prêtres ne reviendraient pas si souvent à défendre ces péchés.

Le magister Hautemare avait une espèce de prévôt pour répéter les leçons, nommé Jean Berville, grand nigaud de vingt ans, fort blond. Les enfants eux-mêmes se moquaient de sa petite tête ronde et finoise perchée au haut de ce grand corps. Jean Berville tremblait devant Lamiel. Un jour de fête, elle lui dit après dîner :

— Les autres vont danser, sors tout seul, et va m’attendre à la croisée des