Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/236

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gris sur gris, qui faisait un effet charmant, avec cela, veste de chasse à la mode cette année-là.

Quand le jeune duc eut parlé longuement du gilet rayé gris sur gris, Lamiel se dit : « Au fait, il aime que je lui raconte tous les détails de ma vie à la maison, lui aussi me parle de ce qui l’intéresse. »

Cette sage réflexion arrêta son mépris.

— Eh bien, je vais partir pour B… toute seule : venez demain à B… à moins que l’affaire du gilet à la mode ne vous retienne au château.

— Que vous êtes cruelle ! Vous abusez de l’esprit étonnant que le ciel vous a donné ! N’êtes-vous pas mon premier amour ?

Il parlait avec grâce et jamais ne manquait d’idées, de jolies petites idées bien élégantes, bien obligeantes. Lamiel lui rendait justice de ce côté, mais le souvenir du gilet gris sur gris gâtait tout.

— Il vaut mieux pour les intérêts de votre prudence que je parte seule. Dans le cas où mes pauvres parents auraient la faiblesse de prendre conseil du procureur Bonel, notre voisin, ils ne pourront vous accuser de rapt. Et, dans le fait, je puis vous jurer que vous m’enlevez fort peu. Par prudence, passez demain