Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/250

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pauvre Fédor qui en avait la poitrine fatiguée, Lamiel n’en était pas encore arrivée à ce point de deviner les causes de son ennui. Deux ou trois fois, dans son étourderie, elle se surprit sur le point de consulter le duc sur les causes de son mortel ennui ; elle s’arrêta à propos.

Dans ses bizarreries, Lamiel avait recours à toutes sortes d’inventions pour ne pas s’ennuyer ; un jour, elle se fit enseigner la géométrie par le duc. Ce trait redoubla l’amour de celui-ci. Dans tout ce qui ne tenait pas aux droits imprescriptibles de la noblesse et au parti qu’elle pouvait tirer des prêtres, l’étude de la géométrie avait appris à ce jeune élève de l’École polytechnique à ne pas trop se payer de mots. Sans distinguer tout ce qu’il devait à la géométrie, Fédor l’aimait de passion ; il fut ravi de la facilité avec laquelle Lamiel en comprenait les éléments.

Grâce à ses études et à ses réflexions de tous les instants, Lamiel était bien différente de la jeune fille qui six semaines auparavant avait quitté le village. Elle commençait à pouvoir donner un nom aux pensées qui l’agitaient. Elle se disait :

« Une fille qui s’enfuit de chez ses parents se conduit mal, cela est si vrai qu’elle doit toujours cacher ce qu’elle fait, or pourquoi se conduit-on mal ? pour s’amuser ; et