Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/81

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vent pénible pour sa faible santé était de voir mourir de beaux hommes et d’effrayer le petit nombre de jolies malades que le pays fournissait de façon à ce qu’elles désirassent sa présence avec passion.

La petite nièce Lamiel était trop éveillée pour ne pas comprendre, lorsque sa tante, Mme Hautemare, la renvoya au village, qu’il y avait quelque chose de bien extraordinaire. La dévote Mme Hautemare ne lui laissait jamais faire vingt pas toute seule.

Sa première pensée, comme il était naturel, fut d’entendre ce que sa tante voulait lui cacher ; il suffisait pour cela de faire un détour et de revenir se cacher dans la digue de terre couverte d’arbres qui dominait le lavoir public. Mais Lamiel pensa qu’elle allait entendre des injures et des gros mots, choses qu’elle avait en horreur.

Une idée bien plus séduisante lui apparut.

— En courant bien fort, se dit-elle, je puis aller jusqu’au champ de la danse, où je n’ai pu entrer qu’une fois en ma vie, et être de retour à la maison avant le retour de ma tante.

Carville ne consistait presque qu’en une rue fort large avec une place au milieu. À l’extrémité opposée du pont sur le Houblon, c’est-à-dire du côté de Paris, se