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vi
préface

Romain Colomb, le trouva subitement et comme sous le coup de l’inspiration. Ce n’était peut-être qu’une concession à la mode du temps qui était aux noms de couleurs ; mais on a voulu y voir aussi une allusion aux hasards de la destinée analogues à ceux du jeu et le très érudit stendhalien Pierre Martino a retrouvé deux ouvrages anglais antérieurs à celui de Beyle et qui portent ce même titre pris dans cette acception très nette. D’autres ont émis l’hypothèse que ces couleurs soulignaient le conflit des idées de la gauche libérale avec les menées des prêtres et de la Congrégation sous le règne de Charles X. Beyle, de son côté, aurait donné une explication aussi plausible : Le Rouge signifierait que venu plus tôt Julien Sorel eût été soldat, mais, que dans l’époque où il vécut, il dut se faire prêtre, de là Le Noir. C’est dans une intention analogue que Stendhal, quelques années plus tard, racontant l’histoire de Lucien Leuwen, l’a voulu successivement appeler l’Amaranthe et le Noir, puis le Rouge et le Blanc. Le premier titre eût symbolisé les tenues portées tour à tour par son héros : l’uniforme des lanciers puis l’habit des maîtres des requêtes ; le second eût marqué l’opposition des sentiments libéraux et des sentiments légitimistes qui se heurtent dans plus d’un chapitre de son livre.