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de l’éditeur

écrivains, Stendhal a rempli ses livres de lui-même. C’est toujours de son propre cœur qu’un auteur tire les traits les plus profonds.

Flaubert, avec ses grandes moustaches et sa voix bourrue, répondait volontiers quand on lui demandait quelle femme avait servi de modèle pour Mme Bovary : « Mme Bovary, c’est moi. » La boutade était renouvelée de Stendhal qui aimait affirmer que Julien Sorel avait été peint d’après lui-même. Le petit Julien, en effet, près de Mme de Rênal, les premiers soirs, ne montre-t-il pas cette même timidité dont Beyle ne sut jamais se débarrasser devant les femmes et qu’il témoigna six mois à Louason, six ans à la comtesse Marie ? Est-ce encore Julien Sorel écrivant sa première lettre pour M. de La Mole ou Stendhal, commis de Pierre Daru, qui a écrit cela avec deux l ? Mais surtout il a donné à Julien ses idées, sa sensibilité et toutes ses réactions dans la vie.

N’est-ce pas de même le jeune Beyle si candide et si vite hostile qui nous est peint dans Armance, quand un observateur dit d’Octave de Malivert : « Il dédaigne de se présenter dans un salon avec sa mémoire ; et son esprit dépend des sentiments qu’on fait naître en lui. » Nous pourrions ainsi multiplier les exemples, et, dans tous les