Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/395

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la lettre que vous portez est ma démission.

Julien resta immobile, il aimait l’abbé Pirard. La prudence avait beau lui dire :

Après le départ de cet honnête homme, le parti du Sacré-Cœur va me dégrader et peut-être me chasser.

Il ne pouvait penser à lui. Ce qui l’embarrassait, c’était une phrase qu’il voulait arranger d’une manière polie, et réellement il ne s’en trouvait pas l’esprit.

— Eh bien ! mon ami, ne partez-vous pas ?

— C’est qu’on dit, monsieur, dit timidement Julien, que pendant votre longue administration, vous n’avez rien mis de côté. J’ai six cents francs.

Les larmes l’empêchèrent de continuer.

Cela aussi sera marqué, dit froidement l’ex-directeur du séminaire. Allez à l’évêché, il se fait tard.

Le hasard voulut que ce soir-là, M. l’abbé de Frilair fût de service dans le salon de l’évêché ; Monseigneur dînait à la préfecture. Ce fut donc à M. de Frilair lui-même que Julien remit la lettre, mais il ne le connaissait pas.

Julien vit, avec étonnement, cet abbé ouvrir hardiment la lettre adressée à l’évêque. La belle figure du grand vicaire exprima bientôt une surprise mêlée de vif plaisir, et redoubla de gravité. Pendant qu’il