Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/414

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je ne suis pas sans avoir passé quelques mouvements de montre en ma vie.

La nuit était fort noire. Vers une heure du matin, Julien, chargé de son échelle, entra dans Verrières. Il descendit le plus tôt qu’il put dans le lit du torrent, qui traverse les magnifiques jardins de M. de Rênal à une profondeur de dix pieds, et contenu entre deux murs. Julien monta facilement avec l’échelle. Quel accueil me feront les chiens de garde ? pensait-il. Toute la question est là. Les chiens aboyèrent, et s’avancèrent au galop sur lui ; mais il siffla doucement, et ils vinrent le caresser.

Remontant alors de terrasse en terrasse, quoique toutes les grilles fussent fermées, il lui fut facile d’arriver jusque sous la fenêtre de la chambre à coucher de madame de Rênal, qui, du côté du jardin, n’est élevée que de huit ou dix pieds au-dessus du sol.

Il y avait aux volets une petite ouverture en forme de cœur, que Julien connaissait bien. À son grand chagrin, cette petite ouverture n’était pas éclairée par la lumière intérieure d’une veilleuse.

Grand Dieu ! se dit-il ; cette nuit, cette chambre n’est pas occupée par madame de Rênal ! Où sera-t-elle couchée ? La famille est à Verrières, puisque j’ai trouvé