Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/429

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Julien sera parti ? tout ne sera-t-il pas alors pour moi horreur et remords ?

Elle avait comme une idée vague de devoir quitter la vie, mais qu’importe ! Après une séparation qu’elle avait crue éternelle, il lui était rendu, elle le revoyait, et ce qu’il avait fait pour parvenir jusqu’à elle montrait tant d’amour !

En racontant l’événement de l’échelle à Julien :

— Que répondrai-je à mon mari, lui dit-elle, si le domestique lui conte qu’il a trouvé cette échelle ? Elle rêva un instant ; il leur faudra vingt-quatre heures pour découvrir le paysan qui te l’a vendue ; et se jetant dans les bras de Julien, en le serrant d’un mouvement convulsif : Ah ! mourir, mourir ainsi ! s’écriait-elle en le couvrant de baisers ; mais il ne faut pas que tu meures de faim, dit-elle en riant.

Viens ; d’abord je vais te cacher dans la chambre de madame Derville, qui reste toujours fermée à clef. Elle alla veiller à l’extrémité du corridor, et Julien passa en courant. Garde-toi d’ouvrir, si l’on frappe, lui dit-elle en l’enfermant à clef ; dans tous les cas, ce ne serait qu’une plaisanterie des enfants en jouant entre eux.

— Fais-les venir dans le jardin, sous la fenêtre, dit Julien, que j’aie le plaisir de les voir, fais-les parler.