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l’ennui

dans sa mémoire quelques mots latins ; enfin, il put dire un vers d’Horace. Julien ne savait de latin que sa Bible. Il répondit en fronçant le sourcil :

— Le saint ministère auquel je me destine m’a défendu de lire un poète aussi profane.

M. de Rênal cita un assez grand nombre de prétendus vers d’Horace. Il expliqua à ses enfants ce que c’était qu’Horace ; mais les enfants, frappés d’admiration, ne faisaient guère attention à ce qu’il disait. Ils regardaient Julien.

Les domestiques étant toujours à la porte, Julien crut devoir prolonger l’épreuve :

— Il faut, dit-il au plus jeune des enfants, que M. Stanislas-Xavier m’indique aussi un passage du livre saint.

Le petit Stanislas, tout fier, lut tant bien que mal le premier mot d’un alinéa, et Julien dit toute la page. Pour que rien ne manquât au triomphe de M. de Rênal, comme Julien récitait, entrèrent M. Valenod, le possesseur des beaux chevaux normands, et M. Charcot de Maugiron, sous-préfet de l’arrondissement. Cette scène valut à Julien le titre de monsieur ; les domestiques eux-mêmes n’osèrent pas le lui refuser.

Le soir, tout Verrières afflua chez M. de