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pensées d’une jeune fille

naire, ou bien qui va au bal le jour de votre mort, de peur d’exciter les soupçons.

On brave le danger à la tête d’un escadron tout brillant d’acier, mais le danger solitaire, singulier, imprévu, vraiment laid ?

Hélas ! se disait Mathilde, c’était à la cour de Henri III que l’on trouvait des hommes grands par le caractère comme par la naissance ! Ah ! si Julien avait servi à Jarnac ou à Moncontour, je n’aurais plus de doute. En ces temps de vigueur et de force, les Français n’étaient pas des poupées. Le jour de la bataille était presque celui des moindres perplexités.

Leur vie n’était pas emprisonnée comme une momie d’Égypte, sous une enveloppe toujours commune à tous, toujours la même. Oui, ajoutait-elle, il y avait plus de vrai courage à se retirer seul à onze heures du soir, en sortant de l’hôtel de Soissons, habité par Catherine de Médicis qu’aujourd’hui à courir à Alger. La vie d’un homme était une suite de hasards. Maintenant la civilisation a chassé le hasard, plus d’imprévu. S’il paraît dans les idées, il n’est pas assez d’épigrammes pour lui ; s’il paraît dans les événements, aucune lâcheté n’est au-dessus de notre peur. Quelque folie que nous fasse faire la peur, elle est excusée. Siècle dégénéré et