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dernier combat

à un homme placé dans les derniers rangs de la société.

Cette circonstance assurait, en cas de découverte, un déshonneur éternel. Laquelle des femmes venant chez sa mère eût osé prendre son parti ? Quelle phrase eût-on pu leur donner à répéter pour amortir le coup de l’affreux mépris des salons ?

Et encore parler était affreux, mais écrire ! Il est des choses qu’on n’écrit pas, s’écriait Napoléon apprenant la capitulation de Baylen. Et c’était Julien qui lui avait conté ce mot ! comme lui faisant d’avance une leçon.

Mais tout cela n’était rien encore, l’angoisse de Mathilde avait d’autres causes. Oubliant l’effet horrible sur la société, la tache ineffaçable et toute pleine de mépris, car elle outrageait sa caste, Mathilde allait écrire à un être d’une bien autre nature que les Croisenois, les de Luz, les Caylus.

La profondeur, l’inconnu du caractère de Julien eussent effrayé, même en nouant avec lui une relation ordinaire. Et elle en allait faire son amant, peut-être son maître !

Quelles ne seront pas ses prétentions, si jamais il peut tout sur moi ? Eh bien ! je me dirai comme Médée : Au milieu de tant de périls, il me reste Moi.