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le calme patricien

qui nuit fort à ce qu’une personne d’un rang élevé se doit à soi-même. Son grand bonheur était de parler de la dernière chasse du roi, son livre favori les Mémoires du duc de Saint-Simon, surtout pour la partie généalogique.

Julien savait la place qui, d’après la disposition des lumières, convenait au genre de beauté de madame de Fervaques. Il s’y trouvait d’avance, mais avait grand soin de tourner sa chaise de façon à ne pas apercevoir Mathilde. Étonnée de cette constance à se cacher d’elle, un jour elle quitta le canapé bleu et vint travailler auprès d’une petite table voisine du fauteuil de la maréchale. Julien la voyait d’assez près par-dessous le chapeau de madame de Fervaques. Ces yeux, qui disposaient de son sort, l’effrayèrent d’abord, ensuite le jetèrent violemment hors de son apathie habituelle ; il parla et fort bien.

Il adressait la parole à la maréchale, mais son but unique était d’agir sur l’âme de Mathilde. Il s’anima de telle sorte que madame de Fervaques arriva à ne plus comprendre ce qu’il disait.

C’était un premier mérite. Si Julien eût eu l’idée de le compléter par quelques phrases de mysticité allemande, de haute religiosité et de jésuitisme, la maréchale l’eût rangé d’emblée parmi les hommes