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donation

nous. Ah ! Monsieur, devais-je m’attendre à tout ceci ?

« Le marquis de La Mole. »

— Je vous remercie beaucoup, dit Mathilde gaiement. Nous allons nous fixer au château d’Aiguillon, entre Agen et Marmande. On dit que c’est un pays aussi beau que l’Italie.

Cette donation surprit extrêmement Julien. Il n’était plus l’homme sévère et froid que nous avons connu. La destinée de son fils absorbait d’avance toutes ses pensées. Cette fortune imprévue et assez considérable pour un homme si pauvre en fit un ambitieux. Il se voyait, à sa femme ou à lui, 36.000 livres de rente. Pour Mathilde, tous ses sentiments étaient absorbés dans son adoration pour son mari, car c’est ainsi que son orgueil appelait toujours Julien. Sa grande, son unique ambition était de faire reconnaître son mariage. Elle passait sa vie à s’exagérer la haute prudence qu’elle avait montrée en liant son sort à celui d’un homme supérieur. Le mérite personnel était à la mode dans sa tête.

L’absence presque continue, la multiplicité des affaires, le peu de temps que l’on avait pour parler d’amour vinrent compléter le bon effet de la sage politique, autrefois inventée par Julien.