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le rouge et le noir

instant seulement, venait de cesser l’état d’irritation physique et de demi-folie où il était plongé depuis son départ de Paris pour Verrières.

Ses larmes avaient une source généreuse, il n’avait aucun doute sur la condamnation qui l’attendait.

Ainsi elle vivra ! se disait-il… Elle vivra pour me pardonner et pour m’aimer…

Le lendemain matin fort tard, quand le geôlier le réveilla :

— Il faut que vous ayez un fameux cœur, monsieur Julien, lui dit cet homme. Deux fois je suis venu et n’ai pas voulu vous réveiller. Voici deux bouteilles d’excellent vin que vous envoie M. Maslon, notre curé.

— Comment ? ce coquin est encore ici ? dit Julien.

— Oui, monsieur, répondit le geôlier en baissant la voix, mais ne parlez pas si haut, cela pourrait vous nuire.

Julien rit de bon cœur.

— Au point où j’en suis, mon ami, vous seul pourriez me nuire si vous cessiez d’être doux et humain… Vous serez bien payé, dit Julien en s’interrompant et reprenant l’air impérieux. Cet air fut justifié à l’instant par le don d’une pièce de monnaie.

M. Noiroud raconta de nouveau et dans les plus grands détails tout ce qu’il avait