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paris et la province

de la journée de la veille. Mon bonheur, ma tranquillité sont en jeu. Il résolut presque d’écrire à M. le procureur général pour demander que personne ne fût admis auprès de lui. Et Fouqué ? pensa-t-il. S’il peut prendre sur lui de venir à Besançon, quelle ne serait pas sa douleur !

Il y avait deux mois peut-être qu’il n’avait songé à Fouqué. J’étais un grand sot à Strasbourg, ma pensée n’allait pas au delà du collet de mon habit. Le souvenir de Fouqué l’occupa beaucoup et le laissa plus attendri. Il se promenait avec agitation. Me voici décidément de vingt degrés au-dessous du niveau de la mort… Si cette faiblesse augmente, il vaudra mieux me tuer. Quelle joie pour les abbés Maslon et les Valenod si je meurs comme un cuistre !

Fouqué arriva ; cet homme simple et bon était éperdu de douleur. Son unique idée, s’il en avait, était de vendre tout son bien pour séduire le geôlier et faire sauver Julien. Il lui parla longuement de l’évasion de M. de Lavalette.

— Tu me fais peine, lui dit Julien ; M. de Lavalette était innocent, moi je suis coupable. Sans le vouloir, tu me fais songer à la différence…

Mais, est-il vrai ? Quoi ! tu vendrais tout ton bien ? dit Julien redevenant tout à coup observateur et méfiant.