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le rouge et le noir

— Et cette jeune madame Michelet, dit madame de Rênal, ou plutôt cette mademoiselle de La Mole ; car je commence en vérité à croire cet étrange roman !

— Il n’est vrai qu’en apparence, répondit Julien. C’est ma femme, mais ce n’est pas ma maîtresse…

En s’interrompant cent fois l’un l’autre, ils parvinrent à grand’peine à se raconter ce qu’ils ignoraient. La lettre écrite à M. de La Mole avait été faite par le jeune prêtre qui dirigeait la conscience de madame de Rénal, et ensuite copiée par elle.

— Quelle horreur m’a fait commettre la religion ! lui disait-elle ; et encore j’ai adouci les passages les plus affreux de cette lettre…

Les transports et le bonheur de Julien lui prouvaient combien il lui pardonnait. Jamais il n’avait été aussi fou d’amour.

— Je me crois pourtant pieuse, lui disait madame de Rênal dans la suite de la conversation. Je crois sincèrement en Dieu ; je crois également, et même cela m’est prouvé, que le crime que je commets est affreux, et dès que je te vois, même après que tu m’as tiré deux coups de pistolet… Et ici, malgré elle, Julien la couvrit de baisers.

— Laisse-moi, continua-t-elle, je veux raisonner avec toi, de peur de l’oublier…