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l’hôtel de la mole

sa sœur. Ces messieurs s’asseyaient sur un grand canapé bleu. À l’extrémité du canapé, opposée à celle qu’occupait la brillante Mathilde, Julien était placé silencieusement sur une petite chaise de paille assez basse. Ce poste modeste était envié par tous les complaisants ; Norbert y maintenait décemment le jeune secrétaire de son père, en lui adressant la parole ou en le nommant une ou deux fois par soirée. Ce jour-là, mademoiselle de La Mole lui demanda quelle pouvait être la hauteur de la montagne sur laquelle est placée la citadelle de Besançon. Jamais Julien ne put dire si cette montagne était plus ou moins haute que Montmartre. Souvent il riait de grand cœur de ce qu’on disait dans ce petit groupe ; mais il se sentait incapable de rien inventer de semblable. C’était comme une langue étrangère qu’il eût comprise, mais qu’il n’eût pu parler.

Les amis de Mathilde étaient ce jour-là en hostilité continue avec les gens qui arrivaient dans ce vaste salon. Les amis de la maison eurent d’abord la préférence, comme étant mieux connus. On peut juger si Julien était attentif ; tout l’intéressait, et le fond des choses et la manière d’en plaisanter.

— Ah ! voici M. Descoulis, dit Mathilde,