Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/128

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ainsi dans une garnison, et dans une première garnison encore ! Vous qui avez été militaire, vous comprenez cela, monsieur ; que va-t-on dire de moi dans le régiment ? mais quelle est cette dame ?

— Il s’agit, n’est-ce pas, d’une femme de vingt-cinq à vingt-six ans, avec des cheveux blonds cendrés, qui tombent jusqu’à terre ?

— Et des yeux fort beaux, mais remplis de malice.

— C’est madame de Chasteller, une veuve que tous ces beaux messieurs de la noblesse cajolent, parce qu’elle a des millions. Elle plaide en tous lieux avec chaleur la cause de Charles X, et si j’étais de ce petit préfet, je la ferais coffrer ; notre pays finira par être une seconde Vendée. C’est une ultra enragée, qui voudrait voir à cent pieds sous terre tout ce qui a servi la patrie. Elle est fille de M. le marquis de Pontlevé, un de nos ultras renforcés et, ajouta-t-il en baissant la voix, c’est un des commissaires pour Charles X dans cette province. Ceci entre nous ; je ne veux pas me rendre dénonciateur.

— Soyez sans crainte.

— Ils sont venus bouder ici depuis les journées de Juillet. Ils veulent, disent-ils, affamer le peuple de Paris, en le privant de travail ; mais, quoique ça, ce marquis