Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/198

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républicain, je n’étais qu’étourdi. Excepté les mathématiques et la chimie, je ne sais rien. Je n’ai point étudié la politique, et j’entrevois les plus graves objections à toutes les formes de gouvernement. Je ne puis donc avoir d’avis sur celui qui convient à la France…

— Comment, monsieur, vous osez avouer que vous ne comprenez pas que le seul gouvernement du roi…

Nous supprimons ici trois pages que le brave colonel répéta tout d’un trait, et qu’il avait lues quelques jours auparavant dans un journal payé par le gouvernement.

« Je l’ai pris de trop haut avec cet espion sabreur, » se dit Lucien pendant ce long sermon ; et il chercha une phrase qui dît beaucoup en peu de mots.

— Je suis entré hier pour la première fois de ma vie dans ce cabinet littéraire, s’écria-t-il enfin, et je donnerai cinquante louis à qui pourra prouver le contraire.

— Il ne s’agit pas ici d’argent, répliqua le colonel avec amertume ; on sait assez que vous en avez beaucoup, et il paraît que vous le savez mieux que personne. Hier, monsieur, dans le cabinet de Schmidt, vous avez lu le National, et vous n’avez pris ni le Journal de Paris ni les Débats, qui tenaient le milieu de la table.