Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/272

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était absent lors de l’affaire du colonel Caron[1].

Cette émotion vive fit oublier à Lucien tous ses projets ; il était venu fort disposé à se moquer de ces sœurs aux cheveux rouges et à la taille de grenadier, et de cette mère toujours fâchée, toujours blâmant, et, avec ce bon petit caractère, cherchant à marier toutes ses filles.

Le mot honnête du vieil officier sur l’affaire de Colmar sanctifia toute la maison ; dès ce moment, il n’y eut plus là de ridicule à ses yeux.

Le lecteur est prié de considérer que notre héros est fort jeune, fort neuf et dénué de toute expérience ; tout cela ne nous empêche pas d’éprouver un sentiment en nous voyant forcé d’avouer qu’il avait encore la faiblesse de s’indigner pour des choses politiques. C’était à cette époque une âme naïve et s’ignorant elle-même ; ce n’était pas du tout une tête forte, ou un homme d’esprit, se hâtant de tout juger d’une façon tranchante. Le salon de sa mère, où l’on se moquait de tout, lui avait appris à per-

  1. Le 3 Juillet 1822 cet ancien lieutenant-colonel de dragons tomba dans un abominable guet-apens préparé par le gouvernement, et fut exécuté à Colmar le 1er octobre suivant. Le général Pamphile-Lacroix joua un rôle assez fâcheux dans cette triste affaire. (Note de R. Colomb.)