Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/292

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de cavalerie à la Révolution de 1830, et avait été ravi de l’occasion de quitter un métier qui l’ennuyait.

Un matin qu’il sortait, avec Lucien, de l’hôtel de Puylaurens, où il venait d’être fort maltraité et publiquement :

— Pour rien au monde, lui disait-il, je ne m’exposerais à égorger des tisserands ou des tanneurs, comme c’est votre affaire, par le temps qui court.

— Il faut avouer que le service ne vaut rien depuis Napoléon, répondait Lucien. Sous Charles X, vous étiez obligés de faire les agents provocateurs, comme à Colmar dans l’affaire Caron, ou d’aller en Espagne prendre le général Riego, pour le laisser pendre par le roi Ferdinand. Il faut convenir que ces belles choses ne conviennent guère à des gens tels que vous et moi.

— Il fallait vivre sous Louis XIV ; on passait son temps à la cour, dans la meilleure compagnie du monde, avec madame de Sévigné, M. le duc de Villeroy, M. le duc de Saint-Simon, et l’on n’était avec les soldats que pour les conduire au feu et accrocher de la gloire, s’il y en avait.

— Oui, fort bien pour vous, monsieur le marquis, mais moi, sous Louis XIV, je n’eusse été qu’un marchand, tout au plus un Samuel Bernard au petit pied.

Le marquis de Sanréal les accosta, à leur