Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/328

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voisinage du Rhin était ce qu’il y avait de plus sûr, et vint se cacher dans une terre de sa femme, près de Nancy.

M. de Chasteller, homme peut-être un peu affecté, mais fort agréable et même amusant dans les positions ordinaires de la vie, n’avait jamais eu la tête bien forte ; il ne put jamais se consoler de cette troisième fuite de la famille qu’il adorait. « Je vois là le doigt de Dieu, » disait-il en pleurant dans les salons de Nancy ; et il mourut bientôt, laissant à sa veuve vingt-cinq mille livres de rente dans les fonds publics. Cette fortune lui avait été faite par le roi à l’époque des emprunts de 1817, et les salons de Nancy, qui en étaient jaloux, la portaient sans façon à dix-huit cent mille francs ou deux millions.

Lucien eut toutes les peines du monde à réunir ces faits si simples. Quant à la conduite de madame de Chasteller, la haine dont on l’honorait dans le salon de madame de Serpierre et le bon sens de mademoiselle Théodelinde rendirent plus facile à Lucien de savoir la vérité.

Dix-huit mois après la mort de son mari, madame de Chasteller osa prononcer ces mots : Retour à Paris. « Quoi ! ma fille, lui dit le grand M. de Pontlevé, avec le ton et les gestes d’Alceste indigné, dans la comédie : vos princes sont à Prague et l’on vous