Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/379

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— Conduisez-moi jusqu’à la terrasse du jardin : je lutte depuis cinq minutes contre un accès de chaleur qui me suffoque… J’ai pris un demi-verre de vin de Champagne ; je crois en vérité que je suis enivrée.

Mais ce qu’il y eut de terrible pour madame de Chasteller, c’est qu’au lieu de prendre le ton de l’intérêt, M. le vicomte de Blancet ricanait en écoutant ces mensonges. Il était jaloux jusqu’à la folie de l’air d’intimité, de plaisir, avec lequel on parlait à Lucien depuis si longtemps, et on lui avait dit au régiment qu’il ne fallait pas croire aux indispositions des belles dames.

Il avait offert son bras à madame de Chasteller et la conduisait hors de la salle de bal, lorsqu’une autre idée, tout aussi lumineuse, vint s’emparer de son attention. Madame de Chasteller s’appuyait sur son bras en marchant avec un abandon bien étrange.

« Ma belle cousine voudrait-elle enfin me faire entendre qu’elle me paye de retour, ou, du moins, qu’elle a pour moi quelque sentiment tendre ? » se dit M. de Blancet. Mais, dans la soirée, dont il passa en revue tous les petits événements, rien n’avait semblé présager un aussi heureux changement. Était-il imprévu, ou