Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/68

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ment et tambour battant, pourquoi les déranger ? La majorité aime apparemment cet ensemble doucereux d’hypocrisie et de mensonge qu’on appelle gouvernement représentatif[1]. »

Comme ses parents ne cherchaient point à le trop diriger, Lucien passait sa vie dans le salon de sa mère. Encore jeune et assez jolie, madame Leuwen jouissait de la plus haute considération ; la société lui accordait infiniment d’esprit. Pourtant un juge sévère aurait pu lui reprocher une délicatesse outrée et un mépris trop absolu pour le parler haut et l’impudence de nos jeunes hommes à succès.

Cet esprit fier et singulier ne daignait pas même exprimer son mépris, et à la moindre apparence de vulgarité ou d’affectation, tombait dans un silence invincible. Madame Leuwen était sujette à prendre en grippe des choses fort innocentes, uniquement parce qu’elle les avait rencontrées, pour la première fois, chez des êtres faisant trop de bruit.

Les dîners que donnait M. Leuwen étaient célèbres dans tout Paris ; souvent ils étaient parfaits. Il y avait les jours où il recevait les gens à argent ou à ambition ; mais ces messieurs ne fai-

  1. C’est un républicain qui parle.