Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/106

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— Pardon, madame, je m’oubliais.

Et il sortit, outré de dépit contre soi-même et contre elle.

Il n’y avait eu de bon dans sa conduite que le ton de ces deux derniers mots, mais encore ce n’était pas talent, c’était hasard tout pur.

Une fois hors de cet hôtel fatal et délivré des regards curieux des domestiques, peu accoutumés à le voir sortir à cette heure :

« Il faut convenir, se dit-il, que je suis un bien petit garçon de me laisser traiter ainsi ! Je n’ai absolument que ce que je mérite. Quand je suis auprès d’elle, au lieu de chercher à me faire une position un peu convenable, je ne songe qu’à la regarder comme un enfant. À mon retour de l’expédition de N***, il y a eu un moment où il n’eût dépendu que de moi de m’assurer les privilèges les plus solides. J’aurais pu obtenir qu’elle me dît nettement qu’elle m’aime, et de l’embrasser chaque jour en entrant et en sortant. Et je ne puis pas même lui baiser la main ! Ô grand sot ! »

C’était ainsi que se parlait Leuwen en fuyant par la principale rue de Nancy. Il se faisait bien d’autres reproches encore.

Plein de mépris pour soi-même, il eut cependant l’esprit de se dire :

« Il faut faire quelque chose. »

Il était assez embarrassé de sa soirée,