Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnait à tout ce qui se mêlerait du camp de Lunéville.

Madame de Chasteller, une fois remise du mauvais pas et du moment de terreur qui lui avait fait tout oublier, remarqua que madame d’Hocquincourt ne quittait plus d’un pas M. Leuwen. Elle semblait vouloir le faire parler, mais madame de Chasteller croyait voir, à la vérité de fort loin, qu’il était assez taciturne.

« Serait-il choqué du ridicule que l’on veut jeter sur le prince qu’il sert ? Mais, il me l’a dit cent fois, il ne sert aucun prince ; il sert la patrie, et trouve fort ridicule la prétention du premier magistrat qui fait appeler ce métier être à son service. « C’est ce que je prétends lui montrer, ajoute souvent M. Leuwen, en aidant à le détrôner s’il continue à fausser ses paroles, si seulement nous pouvons nous trouver mille citoyens à penser de même[1] ! » Tout cela était pensé avec un petit acte d’admiration pour son amant, sans quoi tous ces détails de politique eussent été bien vite écartés. Lucien lui avait fait le sacrifice de son libéralisme, et elle à lui celui de son ultracisme ; ils étaient depuis longtemps parfaitement d’accord là-dessus.

« Ce silence, continua madame de

  1. C’est un jacobin qui parle.