Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/190

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et par un exprès, à madame de Constantin, son amie intime, pour lui demander conseil, avait rapporté une réponse favorable et approuvé le voyage de Paris en un cas extrême. Ses remords une fois adoucis, madame de Chasteller était heureuse.

Tout à coup, aux récits, aux plaisanteries grossières, quoique exprimées en bons termes, dont, le lendemain du concert de madame Malibran, M. de Blancet fut prodigue sur ce qui s’était passé la veille, elle fut surprise d’une douleur atroce, et dont son âme pure avait honte.

« Blancet n’a pas de tact, se dit-elle, il est au nombre de ceux qui sentent péniblement la supériorité de M. Leuwen. Il exagère peut-être ; comment M. Leuwen, si sincère avec moi, qui m’a avoué un jour qu’il avait cessé de m’aimer, me tromperait-il aujourd’hui ?…

« Rien de plus facile à expliquer, reprit avec amertume le parti de la prudence. Il est agréable et de bon goût pour un jeune homme d’avoir deux maîtresses à la fois, surtout si l’une d’elles est triste, sévère, se retranchant toujours derrière les craintes d’une ennuyeuse vertu, tandis que l’autre est gaie, aimable, jolie, et ne passe pas pour désespérer ses amants par sa sévérité. M. Leuwen peut me dire :