Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/238

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par un bout. Ce n’est donc point pour des motifs raisonnables que, si vous le permettez, je quitterai l’état militaire. Mais cependant, c’est une démarche raisonnable. Je sais donner un coup de lance et commander à cinquante hommes qui donnent des coups de lance ; je sais vivre convenablement avec trente-cinq camarades, dont cinq ou six font des rapports de police. Je sais donc le métier. Si la guerre survient, mais une vraie guerre, dans laquelle le général en chef ne trahisse pas son armée, et que je pense comme aujourd’hui, je vous demanderai la permission de faire une campagne ou deux. La guerre, suivant moi, ne peut pas durer davantage, si le général en chef ressemble un peu à Washington. Si ce n’est qu’un pillard habile et brave, comme Soult, je me retirerai une seconde fois.

— Ah ! c’est là votre politique ! reprit son père avec ironie[1]. Diable ! c’est de la haute vertu ! Mais la politique, c’est bien long ! Que voulez-vous pour vous personnellement ?

— Vivre à Paris, ou faire de grands voyages : l’Amérique, la Chine.

— Vu mon âge et celui de votre mère, tenons-nous-en à Paris. Si j’étais l’enchan-

  1. Oui, ironie : la vertu de bonne foi l’irrite.