Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/241

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car ceci est un secret : pourquoi n’y aurait-il pas crise ministérielle en ce moment ? La Finance et la Guerre ne se sont-elles pas dit les gros mots pour la vingtième fois ? Je suis fourré là-dedans, je puis ce soir, je puis demain, et peut-être je ne pourrai plus après-demain vous nicher d’une façon brillante.

— Je ne vous dissimule pas que les mères jetteront les yeux sur vous pour vous faire épouser leurs filles ; en un mot, la position la plus honorable, comme disent les sots. Mais serez-vous assez coquin pour la remplir ? Réfléchissez donc à ceci : jusqu’à quel point vous sentez-vous la force d’être un coquin, c’est-à-dire d’aider à faire une petite coquinerie, car depuis quatre ans, il n’est plus question de verser du sang…

— Tout au plus de voler l’argent, interrompit Lucien.

Du pauvre peuple ! interrompit à son tour M. Leuwen père d’un air piteux. Ou de l’employer un peu différemment qu’il ne l’emploierait lui-même, ajouta-t-il du même ton. Mais il est un peu bête, et ses députés un peu sots et pas mal intéressés…

— Et que désirez-vous que je sois ? demanda Lucien d’un air simple.

— Un coquin, reprit le père, je veux dire