Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/288

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il aux siens ? Des voleurs m’arrêtent au coin d’un bois, ils sont trois contre un et me demandent un serment. Irai-je le refuser ? Ici, le gouvernement est le voleur qui prétend me voler ce droit d’élire un député qu’a tout Français. Le gouvernement a ses préfets, ses gendarmes, irai-je le combattre ? Non, ma foi ! Je le paierai en monnaie de singe, comme lui-même paie les partisans des glorieuses journées.

Dans quel pamphlet M. de Sanréal avait-il pris ces trois phrases ? Car personne ne le soupçonna jamais de les avoir inventées. Madame de Constantin, qui lui donnait des idées tous les soirs, se serait bien gardée de répandre des raisonnements qui eussent pu choquer le préfet du département. C’était le fameux M. Dumoral[1], renégat célèbre, autrefois, avant 1830, libéral déclamateur, mais allant fort bien en prison. Il parlait sans cesse de huit mois de séjour à Sainte-Pélagie faits sous Charles X. Le fait est qu’il était beaucoup moins bête, qu’il avait même acquis quelque finesse, depuis son changement de religion, et pour tout au

  1. Stendhal au début du roman a donné au préfet de Nancy le nom de Fléron et en a fait un portrait tout différent. C’est qu’au début l’action se passer à Montvallier, sous-préfecture administrée par M. Fléron dont M. Dumoral est le supérieur hiérarchique, et qu’il n’a pas corrigé tout son roman, comme il a fait le début. N. D. L. E.