Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/356

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qui a repoussé par un coup de poing l’idée de l’opium. »

Au bout de quelques minutes, M. Monod arriva en grommelant ; on avait interrompu son dîner, et il songeait un peu aux suites du coup de poing du matin. Quand il sut de quoi il s’agissait :

— Eh bien ! messieurs, dit-il à Lucien et au chirurgien en chef, c’est un homme mort, voilà tout. C’est un miracle qu’il vive avec une balle dans le ventre, et non seulement la balle, mais des lambeaux de drap, la bourre du fusil, et que sais-je, moi ? Vous sentez bien que je ne suis pas allé sonder une telle blessure. La peau a été brûlée par la chemise, qui a pris feu.

En parlant ainsi, on arriva au malade. Lucien lui trouva la physionomie résolue et l’air pas trop coquin, moins coquin que Desbacs.

— Monsieur, lui dit Lucien, en rentrant chez moi, j’ai trouvé cette lettre de madame Kortis…

— Madame ! madame ! Une drôle de madame, qui sera à mendier son pain dans huit jours…

— Monsieur, à quelque parti que vous apparteniez, res sacra miser, le ministre ne veut voir en vous qu’un homme qui souffre. On dit que vous êtes ancien militaire… Je suis lieutenant au 27e de