Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/382

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triste : son savant moral, qui lui avait promis quatre voix à l’Académie des Sciences politiques, était mort aux eaux de Vichy, et après l’avoir dûment enterré, Ernest s’était aperçu qu’il venait de perdre quatre mois de soins ennuyeux et de gagner un ridicule.

— Car il faut réussir, disait-il à Lucien. Et parbleu, si jamais je me dévoue à un membre de l’Institut, je le prendrai de meilleure santé !… etc. etc.

Lucien admirait le caractère de son cousin : il ne fut triste que huit jours, et puis fit un nouveau plan et recommença sur nouveaux frais. Ernest disait dans les salons :

— Je devais quelques jours de regrets sans limites à la mémoire du savant Descors. L’amitié de cet excellent homme et sa perte feront époque dans ma vie, il m’a appris à mourir… J’ai vu le sage à sa dernière heure entouré des consolations du christianisme ; c’est auprès du lit d’un mourant qu’il faut apprécier cette religion… Etc., etc.

Peu de jours après sa rentrée dans le monde, Ernest dit à Leuwen :

— Tu as une grande passion. (Lucien pâlit.) Parbleu ! tu es bien heureux : on s’occupe de toi ! Il ne s’agit plus que de deviner l’objet. Je ne te demande rien,