Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/417

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44.000 lois, arrêtés et circulaires qui régissent le ministère de l’Intérieur. Le ministre avait donné à ces rapports de Lucien le nom de sommaires succincts ; ces sommaires succincts avaient souvent dix ou quinze pages. Lucien était très occupé de ses affaires de télégraphe et, ayant été obligé de laisser en retard plusieurs sommaires succincts, le ministre l’autorisa à prendre deux commis et lui fit le sacrifice de la moitié de son arrière-cabinet. Mais dans cette position indispensable, le commis futur ne serait séparé des plus grandes affaires que par une cloison, à la vérité garnie de matelas en sourdine. La difficulté était de trouver des gens discrets et incapables par honneur de fournir des articles, même anonymes, à cet abhorré National.

Lucien, après avoir inutilement cherché dans les bureaux, se souvint d’un ancien élève de l’École polytechnique, garçon fort silencieux, taciturne, qui avait voulu être fabricant et qui, parce qu’il avait les connaissances supérieures, avait cru avoir les inférieures. Ce commis, nommé Coffe, l’homme le plus taciturne de l’École, coûta quatre-vingts louis au ministère, car Lucien le découvrit à Sainte-Pélagie, dont on ne put le tirer qu’en donnant un acompte aux créanciers ; mais il s’engagea